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Dépenses en santé au Canada : la température monte

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On parle beaucoup de soins de santé au Canada. Et avec raison, parce que, bien entendu, la santé préoccupe et elle est importante. Mais, au-delà de ces considérations plus personnelles, plusieurs s’interrogent à propos d’un système qui, malgré les sommes considérables qui y sont consacrées, éprouve parfois des ratés (comme en témoigne les temps d’attente souvent démesurés pour la clientèle des « urgences », ainsi que le manque criant, voire même l’absence complète, de médecins de famille dans certaines régions du pays). Plusieurs estiment que la solution à ces problèmes nécessite des investissements supplémentaires. Mais, quels sont les coûts du système canadien de santé à l’heure actuelle et comment le Canada se compare-t-il aux autres pays au chapitre des dépenses consacrées à la santé? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans ce dossier consacré à ce qu’on pourrait qualifier « d’économie de la santé ».

C’est bien connu, les soins de santé coûtent cher, très cher : environ 8 560 $ par habitant au Canada en 2022 selon les plus récentes prévisions de l’Institut canadien d’information sur la santé (1). Au total, c’est donc plus de 330 milliards de dollars qui seront consacrés aux dépenses de santé en 2022, soit environ 12.2 % du produit intérieur brut (PIB) canadien (2). Ce pourcentage, aussi impressionnant soit-il, représente cependant une diminution quand on le compare aux chiffres de 2020 (13.8 % du PIB), une année record alors que le pays était au plus fort des efforts visant à combattre la pandémie (3). Malgré tout, le pourcentage du PIB consacré à la santé n’a cessé de croître depuis 1974 alors qu’il se situait à 7 %.

En guise de contexte, considérons que le Canada pourrait rembourser la totalité de la dette nationale en moins de trois ans si le montant des dépenses annuelles pour la santé était affecté au remboursement de cette dette (qui s’élève à plus d’un billion de dollars à l’heure actuelle).

Il n’est peut-être pas étonnant que les montants soient si élevés quand on considère la fréquence à laquelle les canadiens ont recours aux services de soins de santé : ainsi, les canadiens font environ 15 millions de visites par an aux services d’urgence des hôpitaux, ce qui équivaut à une visite par an pour près de la moitié de la population canadienne (4). Et ça, c’est sans compter les visites au médecin de famille ou autres professionnels de la santé.

Sans relancer le débat entourant la performance du système canadien, voire même la pertinence du régime universel de soins de santé, on peut se demander où va cet argent et comparer les dépenses en santé au Canada avec celles qui se produisent dans d’autres pays.

Catégories de dépenses

On pourrait être tenté de blâmer les coûts élevés des soins de santé sur ces machines sophistiquées qu’on retrouve dans les hôpitaux et dont le prix est astronomique. Même si ces appareils demeurent très dispendieux (5), la réalité est toute autre alors que ce sont les coûts associés au fonctionnement des hôpitaux (en bonne partie sous forme de rémunération aux employés des hôpitaux) qui représentent la catégorie de dépenses de santé la plus importante en 2022 alors que 24.3 % des dépenses totales y sont consacrées (6). Quant à définir ce qui constitue un « hôpital », la classification adoptée dans la Base de données sur les dépenses nationales de santé (BDDNS) (7) mentionne qu’il s’agit des hôpitaux généraux et psychiatriques, ainsi que des postes de soins infirmiers et des hôpitaux de régions éloignées, tout en excluant certains établissements comme ceux qui se spécialisent dans les soins de longue durée aux personnes atteintes de problèmes de santé mentale ou dans les programmes de lutte contre la toxicomanie. À noter que cette catégorie ne comprend pas les dépenses liées à la construction, à la machinerie et à l’équipement des hôpitaux puisque ces dépenses sont plutôt comptabilisées dans la catégorie des immobilisations, une catégorie qui représente « seulement » 3.9% des dépenses totales. À ce sujet, on notera également que le Canada compte actuellement 18.46 hôpitaux par million d’habitants, ce qui poursuit une tendance à la baisse amorcée depuis 2014 alors qu’on comptait 20.58 hôpitaux par million d’habitants (8).

Après les hôpitaux, les principales catégories de dépenses dans le domaine de la santé comprennent les dépenses liées aux médecins (9), qui représentent 13.6 % des dépenses totales en santé, ainsi que les médicaments qui comptent également pour un pourcentage de 13.6 %. 

Viennent ensuite, dans l’ordre, les dépenses consacrées aux établissements de soins en hébergement (personnes âgées, etc.) (13.1 %), les « autres professionnels » (psychologues, dentistes, optométristes, etc.) (10.3 %), la santé publique (programmes de prévention, etc.) (5.3 %), les « autres dépenses de santé » (4.9 %), les dépenses liées à COVID-19 (4.4 %), les immobilisations (déjà mentionnées. 3.9 %), les services à domicile et soins communautaires (3.8 %) et l’administration (2.8 %).

Dépenses en santé comparées

Tel que mentionné plus haut, les dépenses en santé s’élèvent à environ 8 560 $ par Canadien par an. Il s’agit là de la moyenne nationale et on constate des variations, parfois considérables, entre les divers provinces et territoires. Ainsi, en 2022, c’est au Nouveau-Brunswick où les dépenses en santé sont les moins élevées (8 010 $ par personne) alors que cette moyenne passe à 9 894 $ à Terre-Neuve-et-Labrador. Mais, ces moyennes sont relativement modestes quand on les compare à ce qu’il en coûte dans les territoires canadiens : 15 584 $ par personne au Yukon, 21 946 $ par personne aux Territoires du Nord-Ouest et 21 978 $ au Nunavut. Même si le coût de la vie est généralement plus élevé dans ces territoires, ce facteur n’explique pas à lui-seul l’écart considérable qui existe avec les moyennes provinciales. Pour comprendre cet écart, il faut plutôt tenir compte des ressources limitées qui existent dans plusieurs communautés éloignées et qui signifient qu’il faut souvent transporter une personne (la plupart du temps par avion) vers l’hôpital le plus proche à des fins de diagnostic ou de traitement. Où se situe la Colombie-Britannique dans tout ça ? Un peu au-dessus de la moyenne nationale avec des dépenses de 8 790 $ par habitant.

Comme le veut le dicton, « l’herbe étant toujours plus verte ailleurs », on aime bien comparer le système canadien avec certains systèmes étrangers, notamment le modèle américain. 

Tout d’abord, il y a lieu de comparer les montants consacrés à la santé selon les pays (10). En 2020, la moyenne canadienne en faisait un des pays où on dépensait le plus dans le domaine des soins de santé avec une moyenne de 7 507 $ par personne. Cela plaçait le Canada au quatrième rang, tout juste derrière les Pays-Bas (7 973 $ par personne) et l’Allemagne (8 938 $ par personne). Mais le meneur incontesté en matière des dépenses pour la santé demeurait les États-Unis avec une moyenne de 15 275 $ par personne. Si on considère plutôt les montants consacrés à la santé en termes du PIB, le Canada se classait au second rang (12.9 %), là encore assez loin derrière les États-Unis (18.8 %). En fait, en matière de dépenses pour la santé, il y a les États-Unis et les autres. Pas étonnant que le système américain soit devenu le « modèle » auquel les autres pays se comparent.

Un aspect essentiel de cette comparaison entre pays est la répartition entre la partie des dépenses en santé qui est prise en charge par le secteur public et celle qui revient au secteur privé (11). Là encore, les États-Unis font bande à part alors que les dépenses en santé sont réparties à peu près également entre les secteurs public et privé (55 % pour le public, 45 % pour le privé). Dans la plupart des autres pays, la balance penche nettement du côté du secteur public alors que la Suède vient au premier rang à ce chapitre (86 % des dépenses prises en charge par le secteur public) et que l’Australie ferme la marche avec 72 %. De son côté, le Canada maintenait en 2020 une proportion de 75 % (public) et 25 % (privé).

Sur la base des chiffres en termes absolus, on pourrait donc penser que le modèle américain, parce qu’on y dépense plus par personne (presque le double), offre des soins de santé supérieurs. On s’en doute, ce serait faire preuve de myopie que de penser de la sorte puisque les dépenses en santé sont plus élevées aux États-Unis parce que les coûts associés aux soins de santé (dans leur ensemble, tant le prix des médicaments que le coût des procédures médicales) ne sont pas réglementés par l’État, ce qui signifie que les divers intervenants (compagnies pharmaceutiques, hôpitaux, etc.) s’en remettent aux lois du marché (une approche qu’on résume bien, en anglais, avec l’expression « What the market will bear »). 

Rôle de l’État

La comparaison avec le système américain est instructive à plus d’un point de vue. Pour un, l’exemple de nos voisins du Sud démontre qu’il n’existe pas nécessairement une corrélation directe entre les dépenses en santé et la qualité des soins. Les États-Unis dépensent plus pour la santé parce l’État n’intervient pas et que, par conséquent, c’est le marché qui dicte le coût des produits et services. 

Ceci dit, une intervention trop musclée de l’État n’est pas non plus la solution car elle a le plus souvent pour effet de réduire l’offre de services (par exemple, certains professionnels de la santé vont préférer exercer leur profession dans un autre pays où ils seront payés davantage plutôt que de se conformer aux tarifs réglementaires imposés par l’État, contribuant ainsi à ce qu’on appelle « l’exode des cerveaux » et à l’amplification de la pénurie de spécialistes).

On voudra peut-être se souvenir de ces leçons alors que le Canada s’apprête à injecter encore plus d’argent dans son système de santé.

Publiée par la Société de développement économique de la Colombie-Britannique, la série de dossiers « L’économie déchiffrée » vise à mettre en relation plusieurs données statistiques liées à l’économie de la Colombie-Britannique dans le but de mieux outiller sa clientèle afin qu’elle comprenne davantage les défis présents et à venir.

Notes :

(1) : https://www.cihi.ca/fr/tendances-des-depenses-nationales-de-sante

(2) : Le produit intérieur brut (PIB) est une mesure générale de l’activité économique d’un pays fondée sur la valeur marchande totale de tous les biens et services que ce pays produit pendant une période de temps déterminée.

(3) : On doit prendre les données plus récentes en matière de dépenses liées à la santé avec un grain de sel (ou, plus exactement, une dose de vaccin) alors que les dépenses engendrées par la pandémie viennent compliquer l’analyse des données : ainsi, alors que la croissance des dépenses de santé était en moyenne de 4 % par an entre 2015 et 2019, ce pourcentage est passé à 13,2 % en 2020 et 7,6 % en 2021.

(4) : Les données dont on dispose en matière de visites aux services d’urgence représente une lecture des plus divertissantes. On y apprend, entre autres, que les douleurs abdominales et pelviennes sont la condition la plus fréquemment invoquée lors des visites (un peu plus de 400 000 visites pour cette raison en 2022). La cellulite vient au neuvième rang, tout juste devant les plaies ouvertes à la tête! Voir le site de l’ICIS pour plus de détails.

(5) Par exemple, un appareil permettant l’examen de parties du corps à l’aide d’imagerie par résonance magnétique (IRM, ou MRI en anglais) coûte entre 1 et 3 millions de dollars US l’unité et ce, sans tenir compte compte des dépenses d’aménagement (les appareils d’IRM doivent être dans des pièces isolées pour éviter les interférences) et d’entretien.

(6) : https://www.cihi.ca/fr/tendances-des-depenses-nationales-de-sante-2022-analyse-eclair

(7) : https://www.cihi.ca/fr/metadonnees-de-la-base-de-donnees-sur-les-depenses-nationales-de-sante

(8) : https://tradingeconomics.com/canada/hospital

(9) : Principalement les honoraires versés aux médecins en exercice privé payés par les régimes provinciaux et territoriaux d’assurance maladie. Cette catégorie comprend les médecins généralistes et les médecins spécialistes (autres que les dentistes) qui exercent principalement la médecine générale ou spécialisée, mais exclut la rémunération des médecins inscrits sur la liste de paye des hôpitaux (ces dépenses sont prévues dans la catégorie des dépenses liées aux hôpitaux).

(10) : Nous limiterons cette comparaison à certains pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) car il devient alors plus facile de comparer des pays qui se ressemblent et qui mesurent sensiblement les mêmes types de dépenses. Prenez note également que les pays ne publient pas leurs données en la matière à la même fréquence et que, par conséquent, les données les plus récentes pour l’ensemble des pays considérés remontent à 2020.

(11) : Même si le système de soins de santé au Canada est un système dit « universel », c’est-à-dire qu’il est accessible à l’ensemble de la population « sans frais », cela ne signifie pas que plusieurs canadiens ne bénéficient pas de soins de santé supplémentaires, le plus souvent sous forme de régimes d’assurance découlant de l’exercice de leur emploi (soins dentaires, etc.).

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