En quelque sorte, on pourrait dire que c’est le moteur à essence qui fait tourner l’économie des pays industrialisés depuis plus d’un siècle. Mais, cette suprématie du pétrole comme carburant privilégié tire peut-être à sa fin avec l’émergence de batteries électriques dont les performances ne cessent de s’améliorer. Les plus récentes données semblent confirmer cette tendance puisque les ventes de véhicules électriques affichent une croissance constante au cours des dernières années alors que les ventes de véhicules à essence sont en déclin. Ce virage électrique semble bien amorcé en Colombie-Britannique alors que la province se classe près du sommet dans plusieurs catégories de véhicules.
Les plus récentes données sur la consommation de pétrole ont de quoi donner le vertige : l’ensemble de la population mondiale consomme un peu plus de 35 milliards de barils par année, ce qui équivaut à environ 97 millions de barils par jour (environ 5 barils par personne par année, ou, pour ramener ce nombre à une échelle encore plus « humaine », 1.8 litres par personne par jour) ! (1)
Le Canada, quant à lui, consomme en moyenne 2.4 millions de barils par jour, soit environ 2.6 % du total mondial (ça peut sembler rassurant jusqu’au moment où on constate que la population canadienne ne représente que 0.48 % de la population mondiale, ce qui signifie que les canadiens consomment environ 6 fois la moyenne mondiale, soit presque … 11 litres de pétrole par jour).
La combustion de carburant à des fins de transport (de passagers ou de marchandises) représente environ 60 % de la consommation de pétrole au Canada (le reste étant consacré, en majeure partie, aux secteurs des mines, de la manufacture et, assez paradoxalement, de l’extraction pétrolière).
Outre les coûts environnementaux de cette consommation (qui sont considérables et bien documentés), le prix du pétrole demeure volatile (malgré les efforts de l’OPEC pour le stabiliser), ce qui peut avoir des effets négatifs (voire dévastateurs) pour les pays qui en arrivent à dépendre de ce produit pour soutenir leurs économies nationales. Comme si cela ne suffisait pas, le pétrole a aussi une valeur stratégique et peut être utilisé pour déstabiliser l’économie de certains pays, comme le démontre la situation qui prévaut actuellement en Ukraine.
Bref, plusieurs facteurs militent pour mettre un terme au règne du pétrole comme principale source de carburant. Si seulement il existait une alternative …
L’électricité … un siècle plus tard
Jusqu’à tout récemment, ces alternatives au pétrole comme moyen de propulsion n’existaient tout simplement pas (ou, si elles existaient, elles n’étaient pas considérées commercialement viables ou pratiques). C’est le cas notamment des moteurs électriques à des fins de transport dont l’existence, cela pourra en surprendre plus d’un, remonte à 1890. En effet, plusieurs des tout premiers véhicules automobiles étaient propulsés par des moteurs électriques (en 1900, aux États-Unis, environ 40 % des véhicules en circulation étaient des véhicules électriques, presque le double des véhicules dotés de moteur à essence).
Cependant, malgré un engouement initial pour ce type de véhicules, leur coût relativement élevé pour l’époque (le double d’un véhicule muni d’un moteur à combustion interne), leur faible vitesse de pointe (environ 30 km/h) et leur autonomie plutôt limitée (rarement plus de 80 kilomètres) devaient reléguer ce type de véhicule aux oubliettes.
La découverte de quantité quasi-illimitée de pétrole dans plusieurs pays (et qui dit « quasi-illimité », dit « bon marché») devait représenter le dernier clou dans le cercueil des véhicules électriques … jusqu’au début des années 2000 alors que plusieurs constructeurs ont renoué avec cette technologie. On songe notamment à Tesla qui a été le premier constructeur à dépasser la marque du million de voitures produites (en 2020), même si, de nos jours, presque tous les constructeurs offrent une forme ou une autre de véhicules électriques (ou sont sur le point de le faire). La plupart des constructeurs ont également établis des objectifs en termes de transition de l’essence vers l’électricité. Ces objectifs sont plus ou moins ambitieux, selon le constructeur : alors que Volvo affirme qu’ils ne produiront plus que des véhicules électriques à compter de 2030, Mazda prévoit la « carboneutralité » dans ses opérations d’ici 2050.
Une industrie en transition
Il ne fait pas de doute qu’un virage vers l’électricité comme source d’énergie dans le domaine des transports s’est amorcé au Canada et ailleurs dans le monde. Cette transition, que nous sommes en mesure de constater sur les routes de Colombie-Britannique, est confirmée par les plus récentes données de Statistiques Canada (2). Ainsi, 1 646 604 voitures ont été immatriculées au Canada en 2021. De ce nombre, 1 415 364 étaient des véhicules dotés d’un moteur à essence, soit 86 % des immatriculations totales. Pendant la même période, 86 032 véhicules à zéro émission (VEZ) (voir encadré) ont été immatriculés, soit 5,2 % du nombre total. Ce nombre peut sembler peu élevé, sauf si on considère qu’en 2017 (c’est-à-dire il y a de cela à peine 5 ans), le pourcentage des véhicules immatriculés qui étaient des VEZ s’élevaient à tout juste 1,0 %, alors que le pourcentage des véhicules à essence était de 94,6 %. Il y a donc une tendance à la baisse dans les ventes de véhicules dotés d’un moteur à essence alors que les ventes de VEZ sont en hausse (une tendance que COVID et les défis liés à la chaîne d’approvisionnement n’ont pas modifiée).
Cette tendance est encore plus évidente si on tient compte aussi des ventes de véhicules hybrides électriques (VHE), qui combinent essence et électricité. Toujours pendant l’année 2021, 79 330 VHE ont été immatriculés, soit 4,8 % des immatriculations totales pour l’année. En 2017, les VHE ne représentaient que 1,2 % des immatriculations totales. Au total, en combinant les ventes de VEZ et de VHE, les véhicules électriques représentent maintenant environ 10 % des ventes totales et il est fort à parier que ce pourcentage va s’accroître encore davantage au cours des cinq prochaines années.
La Colombie-Britannique : de plus en plus électrique
La Colombie-Britannique a-t-elle amorcé le virage électrique ou continue-t-elle de s’en remettre aux véhicules à essence ? De ce côté, les nouvelles sont bonnes puisque la province se classe au premier rang des provinces canadiennes dans presque toutes les catégories. En effet, 37 784 véhicules électriques neufs ont été immatriculés en Colombie-Britannique en 2021, soit 18,4 % de tous les véhicules immatriculés. La province avec le pourcentage se rapprochant le plus de la Colombie-Britannique était le Québec avec 12,7 %. L’Ontario se classe au premier rang en termes absolus avec 53,069, mais ce nombre ne représente que 8,5 % des véhicules neufs immatriculés dans la province en 2021.
Cela va de soi, si la Colombie-Britannique compte plus de véhicules électriques en termes de pourcentage, il est normal qu’on y retrouve moins de véhicules à essence (en fait, c’est la seule province où le pourcentage de véhicules à essence était inférieur à 80 % en 2021).
Plusieurs facteurs expliquent cet intérêt croissant pour les véhicules électriques en Colombie-Britannique, mais il ne faut pas négliger l’importance de certains incitatifs gouvernementaux tels que le programme CleanBC Go Electric qui offrent des rabais pouvant aller jusqu’à 8,000 $ sur l’achat de véhicules électriques neufs.
Le prochain défi
Même si le virage vers l’électricité semble bien amorcé en ce qui a trait aux véhicules pour passagers, il reste un défi de taille avant qu’on puisse affirmer que l’avenir du transport sera électrique : le transport des marchandises. À ce chapitre, il importe de distinguer entre les véhicules légers (comme les camionnettes) et les véhicules plus lourds tels que les semi-remorques. En ce qui a trait aux véhicules légers, la technologie est relativement mature, mais d’importants problèmes d’approvisionnement (compliqués par une pandémie intempestive) et de capacité de production font en sorte que l’acheteur d’une camionnette risque de devoir attendre plus d’un an avant de pouvoir prendre possession de son véhicule. Au-delà des retards dans la production, l’acheteur d’une camionnette électrique devra aussi composer avec cet autre défi qui guette tout acheteur d’un véhicule électrique en 2022, à savoir l’accès à un réseau fiable de stations de chargement.
Quant aux « poids lourds » de cette catégorie, même si certains modèles de semi-remorques électriques existent déjà, l’autonomie demeure encore problématique avec des distances totales ne dépassant pas 400 kilomètres en moyenne. Les distances en termes de transport de marchandises étant énormes (surtout quand on les compare aux courtes distances effectuées par les véhicules pour passagers en milieu urbain), il faudra là aussi pouvoir compter sur un réseau fiable et omniprésent de stations de chargement pour que la transition s’opère. Enfin, le transport de marchandises étant à la base une activité économique (par opposition au transport de passagers où les acheteurs de véhicules électriques peuvent être motivés par des préoccupations environnementales), le passage à l’électricité devra pouvoir se justifier en termes de coût d’achat et de rentabilité, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle (les premières semi-remorques électriques sur le marché se vendent entre 450,000 et 700,000 $). Même si on prévoit que les frais d’entretien de ce type de semi-remorque seront inférieurs à ceux d’un même véhicule muni d’un moteur diésel pendant la durée de vie du véhicule, la différence est encore trop grande pour que les routiers ne songent à faire la transition. Les experts s’entendent donc pour dire qu’il va probablement s’écouler encore une dizaine d’années avant que les semi-remorques électriques ne remplacent les véhicules actuels sur les routes du monde.
Bref, l’électrification des moyens de transport routier, même si celle-ci survient peut-être un siècle trop tard aux dires de certains, se fait de façon graduelle en réponse aux exigences technologiques (et logistiques) particuliers que posent chacun des moyens de transport. En règle générale, on pourrait dire que plus les demandes en énergie d’un système de propulsion sont importantes (un vélo électrique comparé à une semi-remorque électrique, par exemple), plus l’attente sera longue avant que l’électricité ne remplace le pétrole. Mais, comme le dit l’adage, mieux vaut tard que jamais.
Le passage de l’essence à l’électricité se fait de façon graduelle puisqu’on ne peut pas remplacer tous les moteurs à essence par des moteurs électriques du jour au lendemain. Une certaine période de transition est nécessaire pendant laquelle divers types de « systèmes de propulsion » coexistent. Pour s’y retrouver, nous vous proposons donc ces quelques définitions :
- Essence: Les véhicules à essence sont propulsés par un moteur à combustion interne alimenté à l’essence.
- Diésel: Les véhicules diésel sont propulsés par un moteur à combustion interne alimenté au carburant diésel.
- VEB : Un véhicule électrique à batterie (VEB) est un véhicule à zéro émission d’échappement, propulsé uniquement par un bloc-batterie rechargeable.
- VHE: Un véhicule hybride électrique (VHE) est un véhicule muni d’un bloc-batterie rechargeable, qui fournit un complément d’énergie, ainsi que d’un moteur à combustion interne.
- VHR: Un véhicule hybride rechargeable (VHR) est un véhicule muni d’un bloc-batterie rechargeable ainsi que d’un moteur à combustion interne. Le véhicule est propulsé par l’énergie électrique jusqu’à ce que la batterie soit épuisée, puis le moteur à combustion interne prend la relève.
- VEZ: Un véhicule à zéro émission (VEZ) est un véhicule électrique à batterie (VEB) ou un véhicule hybride rechargeable (VHR) ayant le potentiel de ne produire aucune émission d’échappement.
Publiée par la Société de développement économique de la Colombie-Britannique, la série de dossiers « L’économie déchiffrée » vise à mettre en relation plusieurs données statistiques liées à l’économie de la Colombie-Britannique dans le but de mieux outiller sa clientèle afin qu’elle comprenne davantage les défis présents et à venir.